Le cadre : un homme seul qui vit isolé au milieu de nulle part et voit chaque jour le fantôme de sa femme sans parvenir à communiquer avec.
Non loin de là, un couple à la recherche d'une mystérieuse carcasse d'avion fouille consciencieusement les environs... Et aussi : des médecins mégalos très peu au fait du serment d'Hippocrate,
des flics complètement largués et un bon gros paquet de moutons en guise de citoyens pour finir.
Voilà la faune que convoque IBN AL RABIN pour mettre en place son "Autre Fin du Monde" et tisser cette incroyable histoire pleine d'absurdités, d'incompréhensions, de cruauté, mais aussi d'espoir
et d'amour. 1000 pages offertes au non-sens qui questionnent l'utilité de nos interactions ainsi que l'efficacité de notre langage. Exploitant un certain nombre de trouvailles graphiques
pour faire surgir l'absurde de toute situation, IBN AL RABIN interroge aussi son propre medium et ses composantes intrinsèques. La case retrouve sa liberté au sein de la page et dialogue avec ses
congénères, suivie par le texte, qui gagne également son autonomie en s'extrayant de la case, devenant une sorte de satellite des personnages, retenu à eux par un fil mince et fragile.
Tout ici part en cacahuète, chaque chose, au dehors et au dedans du récit, prenant sa propre direction. S'en suit une myriade de situations cocasses, des dialogues d'une tristesse infinie, des
éclats de rire à n'en plus finir... Et c'est là toute la virtuosité de l'auteur : réussir à associer et à faire se succéder en toute simplicité des sentiments aussi antagonistes, à conférer des
attitudes d'une expressivité époustouflante à des silhouettes noires, à construire de l'unité par l'éclatement et le bordel ; bref, à créer la vie par la seule force de la mise en scène.
Par l'absurde et la folie douce il dépeint l'Homme face à ses paradoxes et au vide de son existence, en n'oubliant jamais, malgré tout, de nous faire rire.
Ibn AL RABIN, L'Autre Fin du monde, 2012, Atrabile