Immense texte de l'auteur new-yorkais Gilbert SORRENTINO, Red le démon est un sommet de littérature.
Encore une chronique de la misère dans le Brooklyn des années 40, où la malveillance, le racisme, les injures, la violence et la cruauté sont partout, rongeant comme une vermine des existences
déjà nues et misérables.
Le fond est là, implacable, nous parlant avec brutalité - et efficacité - d'une société américaine hypocrite et nauséeuse, intolérante, fabrique de parias repoussants qui conservent pourtant en leurs chairs tous les outrages possibles et l'abandon d'une quelconque forme d'affection.
Et bien évidemment quand on parle de SORRENTINO, la forme est là également, et quelle forme ! Ciselé au possible, son récit est un amoncellement virtuose de phrases passées à la moulinette du discours indirect libre. Ainsi, en donnant voix aux personnages de Red, Mémé, Maman, Pépé, Papa... en rapportant leurs langues indirectement, leurs longues litanies amochées, c'est tout un rythme, effréné, qui est mis en place, guidé par une plume qui pratique insolemment l'école buissonnière, traverse les corps, est tout à la fois avec eux, en eux, et à distance d'eux. Ça tourbillonne, c'est acéré, sensible et à vif.
Immense on vous dit. Et incontournable. C'est Bukowski, Fante et Krawiec réunis pour le meilleur.
Gilbert SORRENTINO, Red le démon , 2010, Cent Pages, trad. Bernard Hoepffner