
Dans les bijoux noirs et malaisants, Les Déchets de Michelangelo SETOLA n’est certainement pas une partie de campagne. S’il y est bien question d’une virée en bagnole, celle-ci relève plus du cauchemar post-apocalyptique mené tambour battant en direction d’une usine mêlant l’intolérable à l’abject. Ambiance.
L’air semble vicié, les corps sont monstrueux, la crasse et la sueur sont partout, les desseins sont obscurs… le monde que représente Michelangelo SETOLA est en bout de course, saturé et sans plus aucun autre horizon que celui de la longue déchéance. Cataclysmique et sensoriel au possible, l'auteur fait montre d’un talent incroyable pour coupler dans son trait précision industrielle des formes d’une superstructure infernale qui finit de tuer le monde et mollesse hasardeuse et repoussante des silhouettes des êtres encore vivants - certainement plus pour longtemps.
Dans une atmosphère grise et cendreuse omniprésente, le noir du néant n’est pas en reste, et la quête du personnage centrale revêt les atours d’un séjour éternel aux enfers.
Qu’on ne s’y trompe pas, l’auteur nous absorbe par la force de ses images et le mystère porté par l’hermétisme de l’histoire agit comme un piège fabuleux pour le lecteur. Nulle lumière pourtant
au bout du tunnel, juste le frisson de l’horreur et le sentiment étrange de lire une prophétie. Un chef-d’œuvre pur et dur, comme il en existe peu, pour qui le mot radicalité n'est pas une figure
de style.
Mention spéciale à l’équipe des éditions Misma qui en a soigné la fabrication jusqu'au bout des ongles : format immense, couverture souple, choix de papier satiné avec beaucoup de main qui
rend au mieux le travail du dessinateur, et pour finir une d'impression à se pâmer. Une tuerie. Au propre comme au figuré.
Michelangelo SETOLA, Les Déchets, 2021, Misma, trad. Pierre-Jean Brachet