" […] bien sûr nous parlons des langues que nous ne connaissons pas, bien sûr nous parlons le blaireau, nous parlons l’affliction […] "
Shy est le récit d’une adolescence atomisée par les tourments, le désir de trouver une place dans ce monde déjà complet, d’en briser les codes absurdes, de profaner tout ce qui peut l’être sans plus de justification que le désir de rupture lui-même ; c’est l’histoire d’un gamin hanté par des voix, des visions, des sensations qui le traversent et qui lui restent incommunicables. Ce gamin avec d’autres au cœur d’un établissement de la « Dernière Chance » qui révèle bien ce que l’adolescence contient en germes : révolte, désir, gouffre. Face à l’avenir ouvert et impénétrable comme le néant.
À l’instar de ses précédents et fabuleux textes (La douleur porte un costume de plumes, Lanny, La mort de Francis Bacon ) Max PORTER taille dans le vif de l’intime, tout à l’intérieur des êtres, il épouse leurs nuances et leurs paradoxes, avec une sensibilité affective, un regard social. Mais il fraie également avec leurs démons et fait émerger de l’univers sa part sombre, dissimulée. Il est tout autant question dans ce texte de la fragilité adolescente que du monde autour qui agit, nous traverse de ses flux, et que certains êtres captent peut-être avec une sensibilité accrue qui peut conduire à la folie.
Poésie, violence, mort et puissance de la vie réunis par la magie d’un langage qui télescope les voix, produit des images et retranscrit les consciences dans un même mouvement d’une simplicité déconcertante.
Superbe, intense, immense.
Max PORTER, Shy, 2023, éditions du Sous-Sol, trad. Charles Recoursé