Jérémy PERRODEAU est de retour pour notre plus grand plaisir, de nouveau aux éditions 2024 qui l’accompagnent tranquillement mais sûrement au fil de ses récits qui mêlent toujours brillamment à la pure aventure SF une matière plus réflexive, entre questions environnementales et anthropologiques.
Pour une fois chez l’auteur, l’aventure est immobile, ou plutôt inversée par rapport aux récits d’exploration typiques, confinant son héros, Pavil, au cœur d’une contrée étrangère dans laquelle il se retrouve bloqué.
Lapyoza, cité installée dans une lagune magnifique, existe hors de l’Empire : ses codes, son architecture sur pilotis, ses modalités politiques, sa monnaie, ses rites, ses coutumes, son histoire etc. sont autant d’éléments d’altérité auxquels Pavil va devoir se plier, s’habituer, qu’il va devoir comprendre. La marche colonisatrice de l’Empire n’a pas eu lieu ici, le mythe de ses origines n’y est pas relié, beaucoup de détails mystérieux dans la vie de la communauté éveillent peu à peu la curiosité du héros dont il semblerait que lui-même n’ait pas dévoilé toutes ses intentions…
Lent et rythmé à la fois, emmené par un travail de composition graphique et colorimétrique extrêmement abouti, Le Visage de Pavil est un récit d’une grande intelligence, où filtre notamment la question du point de vue dans la construction d’une histoire, à l’échelle individuelle ou bien d’une communauté. Entre la perspective portée depuis l’extérieur ou l’intérieur de l’Empire, la distance entre passé et présent, et la dynamique que l’on donne au futur, nombre de visages se font et se défont, donnant à voir un monde où la diversité et la pluralité sont aussi riches que fragiles, où le mensonge lui-même peut recouvrir différentes réalités.
La place laissée à Lapyoza elle-même est absolument fantastique, faisant de la cité un personnage à part entière que l’on prend plaisir à découvrir et retrouver au gré d’une aventure mémorable.
Le Visage de Pavil explore avec douceur les formes de l’ailleurs tout en n’oubliant pas d’intercaler un miroir entre l’autre et notre regard.
Jérémy PERRODEAU, Le Visage de Pavil, 2023, éditions 2024