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Impossible de décrire tout à fait le lieu où María MEDEM nous dépose avec ce fascinant À cause d’une fleur, tant l’autrice crée un espace qui lui est unique, hors du temps, hors du monde, variable, insaisissable et pourtant puissamment cohérent, dense d’une matière primordiale qui semble porter l’univers en son sein.
À cause d’une fleur est un voyage autant qu’une méditation, c’est une chanson et un tableau, un poème et une vision, un jeu de miroirs qui reflètent et composent un univers où mélancolie, douceur, douleur, solitude et renaissance s’étreignent, s’interrogent et se répondent.
Sorte de pendant contemporain et coloré au 40 days dans le désert B de Moebius, en moins halluciné et en plus intimiste, mais occupé par un même scénario de retranchement solitaire, par un même espace immense autour de son personnage - hermitage étrange et reculé dont on ne sait s’il est une fin, une limite, ou l’amorce de nouvelles perspectives - À cause d’une fleur déploie le long de ses 336 pages un vocabulaire d’une richesse et d’une délicatesse infinies.
Revêtu d’une étoffe aux couleurs aussi éclatantes qu’un coucher de soleil, pleines de nuances et de variations, tissé d’une ligne souple et précise mais fine et vibrante qui trace inlassablement fleurs, soleils, silhouettes, gouttes d’eau, montagnes, oiseaux, entrelacs et réverbérations, ce récit qui relate la quête quasi métaphysique d’Antonia dans un monde fini et dépeuplé, est en définitive comme un long poème pour se repeupler, pour prendre soin de nos espoirs, pour réveiller les possibles, pour voir germer la vie et croire en ce qu’elle contient de plus lumineux.
Flou sans être abscons, mystique sans tomber dans le new age, poétique sans être ni vaporeux ni évident, À cause d’une fleur est un petit miracle, une œuvre inspirée et curieuse, irriguée de bout en bout par un désir qui ne s’essouffle jamais : celui d’une recherche sans fin d’un monde à ré-édifier à la pointe de son crayon, d’une vision solaire à faire proliférer par la force de la pensée.
Maria MEDEM, À Cause d'une Fleur, 2023, Rackham, trad. Alejandra Carrasco Rahal