Pur génie que ce TUT de Pauline LECERF !
Recueil de strips philosophicomiques brossés en quelques pages noires et blanches, TUT pourrait n’être qu’un recueil humoristique de plus si l’exercice graphique n’était aussi soigneusement poussé dans ses retranchements, si le regard porté sur notre société ou nos intimités n’était aussi aiguisé, prompt à jouer tant des formes que des concepts, à manipuler l’ensemble avec une audace et une malice sans égales.
En quelques gros coups de traits épais Pauline LECERF écrit des phrases : réflexions acides et pensées sentencieuses, auxquelles elle offre des pendants dessinés tout aussi épais, illustrations bordant toujours de près l’abstraction. Quelque part derrière le dessin et ces golems maladroits se cacherait peut-être autre chose, une forme plus grande, solide mais floue, une conscience, une autre langue, des idées un peu neuves.
Extrêmement proches d’une pratique du dessin de presse dont la rapidité épouse habituellement une nécessité journalistique et éditoriale, les strips de Pauline LECERF semblent a contrario jouer de cette rapidité avec une intensité redoublée afin de ralentir le plus possible leur entendement. On assiste quasiment à la naissance d’un vocabulaire, avec sa codification, ses récurrences, sa manipulation propre, son esprit, son humour (!!!). Un vocabulaire inspiré où tout fait sens un peu drôlement, où le rire est autant déclenché par la finesse de la pensée que par l’usage en lui-même de ce vocabulaire particulier, affûté et hilarant.
C’est grand, ça se relit mille fois, on se marre beaucoup, et on prend un plaisir infini à égrener ces histoires d’un genre nouveau, au-delà du langage.
Pauline LECERF, TUT, 2024, Magnani