En 1997, à l’âge honorable de 83 ans, Beatrix BECK livrait en guise d’ultime roman une dernière percée cinglante dans la littérature et les conventions bourgeoises. Loin de calmer l’ardeur de ses jeunes années, BECK faisait de Plus loin mais où une synthèse magnifique de ses œuvres passées. Impertinent, grinçant, décapant, acéré, ce texte qui sonne comme une satire sociale taillée à la serpe - affûtée, concise, admirablement dégrossie, rapide comme l’éclair - se pare aussi avec brio des atours de la comédie autant que du drame.
À travers la rencontre dans les années 60 d’une vieille femme peu amène vivant à la marge du monde rural et d’un jeune étudiant juif en sociologie qui la prend pour sujet d’étude, Beatrix BECK se prêtait encore une fois à un jeu de désossage de la langue française et de sa codification bourgeoise, à un pilonnage en règle du regard porté par les privilégiés sur celles et ceux qui vivent dans les recoins aveugles de notre société.
La marginalité crue et parfois laide mais toujours franche face aux bonnes mœurs harmonieuses mais souvent hypocrites, régulièrement racistes, de la bonne société majoritaire : ici tout est en permanence contrebalancé avec beaucoup d’esprit et de vitalité. Amené par une langue ramassée, vive et fulgurante, qui ne coupe pas les cheveux en quatre mais décapite avec un rire féroce toutes les convenances, toutes les attentes, celles du beau monde comme du lecteur.
Au final on ressort avec comme la sensation d’avoir goûté une nouvelle fois l’effronterie de la comédie humaine. Du rire aux larmes, jamais dupe, BECK navigue avec agilité, bardant son ton d’une bonne dose d’acidité. N’oubliant jamais d’interroger le sens de ces vies étriquées que l’on se construit.
Beatrix BECK, Plus loin mais où, 2024, Le Chemin de Fer