"PEURS DU SOIR" - Laurie AGUSTI

 

Vous reprendrez bien un brin de frayeur avant de dormir ?

 

Avec Peurs du soir  Laurie AGUSTI compose une nouvelle fois un album jeunesse sublime et étrange, gonflé d’une atmosphère qui n’appartient qu’à elle. Une atmosphère précise, millimétrée, prise dans l’immobilité, mais dont le millimétrage et le statisme n’empêchent pas, bien au contraire, le goût des textures, des contrastes explosifs de couleurs, ainsi qu’une certaine transgression de l’occupation de l’espace et des usages narratifs.

En imposant à son histoire un point de vue fixe - celui de l’enfant perché dans son lit à l’heure du coucher - l’autrice construit un univers sous contrainte qui répond magnifiquement au mécanisme qui instaure la peur. L’incapacité de bouger pour vérifier, le verrouillage du corps en un point donné stimule écoute et observation, et à la faveur de l’obscurité active tout un imaginaire débordant de menaces.

 

À ce petit jeu de l’évocation menaçante, du glissement des formes concrètes du jour vers la bizarrerie de la nuit, Laurie AGUSTI excelle.

De l’éveil à l’endormissement, c’est tout un univers qui bascule délicieusement au fil des pages, rythmées par l’allumage des veilleuses bleue puis rose, l’irruption vocale des parents, et les divagations propres à l’espace du rêve.

 

Le travail minutieux de gouache lavée de Laurie AGUSTI, systématiquement prise dans des formes rigoureusement délimitées offre au regard un ultime déplacement troublant, celui de croire voir une image numérique, sans tangibilité réelle, alors que celle-ci n’a connu pour espace de déploiement que le grain épais du papier, l’étalement de la peinture, l’appui du normographe, et le temps long du geste patient, monacal, d’une artiste dont on salue l’ampleur et la beauté de l’œuvre.

 

 

 

Laurie AGUSTI, Peurs du soir, 2024, La Partie