Chamboule-tout littéraire et page turner addictif, La Chanteuse aux trois maris, de l’incontournable Nicolas RICHARD, est un petit bijou de patchwork narratif. Détricotage :
Hors de question d’entrer dans le détail et les multiples dérivations d’une histoire dont tout le propos est de, justement, courir après, de tenter de la remonter, d’y trouver des lignes de fuite et des ressorts déterminants. On dira juste qu’il y de la tambouille familiale façon mille-feuille, un grand écart entre trois continents, un étalonnage du XXème siècle, de ses boucheries, de ses errements, de ses bizarreries et de ses joies et pour finir une bonne dose d’illusionnisme.
Mais au-delà de ça, ce qui fait déjà beaucoup, il y a chez La Chanteuse aux trois maris une manière de produire un récit à facettes, qui n’est jamais tout à fait ce qu’on croirait lire. Mi polar-jongleur mi quête intérieure ehpadisée, le récit du maestro Nic Rich fait son grand show en variant les spectacles. Entre invention narrative jouant à cache-cache avec le réel, précision extrême de certains détails d’époque confinant au roman historique, recherche - et trouve - d’une certaine épaisseur tangible liée au parler et aux modes de vie - parisien, argentin, subsaharien, coloniaux - jeu de portrait chinois et délicate chronique familiale à la douceur magnifique, les lumières, les cadres et les scènes varient, tournent autour d’un axe, qui serait peut-être in fine le mât du chapiteau.
Car l’auteur tient son fil rouge, ne s’éparpille jamais dans ses allers-retours temporels et ses grands sauts géographiques. Il épouse en fin de compte une mémoire et lui fait faire quelques tours sur elle-même, la propulse avec beaucoup d’attention et de respect, cherche comment celle-ci peut présider à la fiction, réveiller des questions enfouies, des mondes révolus.
Très simplement et humblement - et donc avec un art consommé pour que tout ceci paraisse facile et naturel - Nicolas RICHARD de nous entraîner à sa suite dans un ébouriffant puzzle dont il est le grand organisateur, le magicien qui se joue de nos perceptions pour imposer ses visions, activer son univers où tout concorde, se télescope avant de se séparer de nouveau.
Nicolas RICHARD, La Chanteuse aux trois maris, 2024, Inculte