Attention chef-d’œuvre !
Le Ciel tombe de l’autrice et réalisatrice italienne Lorenza MAZZETTI, publié en 1961 et traduit ici brillamment par Lise Chapuis pour le compte des éditions La Baconnière est de ces textes à la présence immense, instantanément cultes et que l’on souhaiterait lus par tout le monde.
Le Ciel tombe est une histoire d’enfance écrite depuis le regard d’une enfant, Penny, dans l’Italie fasciste des années 40.
Penny et sa petite sœur Baby, duo de choc inséparable et malicieux, ont une vie rythmée par l’école où l’embrigadement fait rage, l’église où le dogmatisme est prépondérant, les jeux sans fin dans la campagne environnante qui voient ces deux institutions imprimer leurs marques sur l’imaginaire innocent des enfants, et le quotidien dans la villa de leur oncle Wilhelm et leur tante Katchen aux côtés de leurs deux filles Annie et Marie, où l’on devine des convictions politiques toutes autres.
Penny et Baby sont orphelines, elles font partie désormais de cette famille qui les accueille et en resteront pourtant à tout jamais une composante exogène. Leur regard sur le monde qui se déploie autour d’elles est ainsi fait d’une grande naïveté, d’une innocence merveilleuse et d’une certaine extériorité, d’une manière d’observer et de rendre compte des événements avec candeur.
On observe tout au long de ce récit facétieux et plein de vie, parfois carrément tordant, un axe plus féroce qui se dissimule derrière le rire, lequel tourne bien souvent à l’ironie. L’embrigadement fasciste et la bêtise qu’il suppose, l’échec de cette doctrine dont la cohérence est mise à mal par la simple observation enfantine, de même que l’enfermement religieux, sont cousus serrés dans une dentelle ciselée aux images faussement naïves.
On ne s’y trompera pas, ce livre est une tragédie forgée sur le réel, c’est une œuvre d’une finesse incroyable, douce et drôle et tragique, absolument bouleversante. C’est une œuvre qui parle du passé, qui tente de garder debout les souvenirs. Mais c’est aussi une œuvre qui parle, malheureusement, de nos temps présents, qui rappelle la folie de la guerre, des doctrines, qui tendent à séparer l’humanité et à approuver l’horreur.
Lorenza MAZZETTI, Le Ciel tombe, 2024, La Baconnière, trad. Lise Chapuis