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On ne va pas en faire des caisses, vous savez tout aussi bien que nous à quel point l’heure est grave. Le monstre haineux et xénophobe s’est glissé depuis bien longtemps dans la bergerie et maintenant il s’apprête à foutre le feu pour transformer l’abri en rôtisserie sur mesure. Dans le branle-bas de combat général, chacun·e réagit selon ses moyens et sa place dans l’édifice, s’agite pour étouffer les flammes et faire comprendre à l’animal qui attend dehors babines retroussées qu’il peut encore ravaler sa salive : le buffet ne sera pas pour ce soir.
Au milieu de la cohue on perçoit des pensées magnifiques en mouvement, des gestes d’organisation d’une efficacité redoutable, un désir de recomposer le groupe face au danger qui fait chaud au cœur, des compétences mises au service du commun avec abattage sincère des hiérarchies, et puis aussi peut-être parfois des attitudes plus ostentatoires, des manières de brasser un peu de vent sans effet sérieux autre que celui de se convaincre qu’on a agit.
Pour notre part, sans tambour ni trompette, et très humblement, on va essayer de faire ce que l’on fait de mieux : vous accueillir, amener à vous une multitude d’altérités, de pensées complexes, d’imaginaires débridés, de langages décentrés. Pour qu’ensemble on garde à l’œil les flammes et que l’on réfléchisse non seulement aux moyens d’y réchapper, mais également à nos manières de les regarder, à nos façons de bouger dans leur voisinage, de nous engager durablement pour qu’une fois le feu éteint - si on y parvient - celui-ci ne couve plus nulle part ; et puis aussi à s’acharner à toujours considérer l’individu renfrogné derrière le masque de la bête.
Base arrière : on tient les fondations et on se met au travail pour les étayer de nos plus belles et solides structures.