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Ces jours-ci les éditions La Barque nous ont délivré un nouveau bijou, cette Divine Forêt, texte fabuleux écrit entre 1965 et 1967 par celui connu comme "L’homme de Mineo" : l’auteur sicilien Giuseppe BONAVIRI, dont on avait découvert l’immensité de l’écriture il y a quelques années en lisant Les Commencements.
La Divine forêt est une œuvre belle et surprenante, aérienne et métaphysique, genre de conte philosophique animiste qui survole le Temps et garde en son épicentre le lieu de Mineo, petit village perché de Catane où l’auteur est né.
Mais c’est dans le Mineo d’avant Mineo que BONAVIRI nous convie d’abord, dans le Mineo primordiale, sur une Terre à ses prémices, celle d’avant l’homme, avant que toute chose ait un nom, qui voit son univers s’étendre, prendre forme, trouver noms. Et l’auteur de mettre en scène dans ce proto-monde en reconfiguration permanente un narrateur dont les métamorphoses seront multiples : de la vie unicellulaire à la plante de bourrache jusqu’au vautour Apomeo qui nous contera ses aventures et ses peines infinies.
La présence et la force de ce texte captivent dès les premières lignes, où l’on constate dans le même geste un affranchissement des règles narratives traditionnelles, du rapport au temps et à l’ellipse, de la manière habituelle de faire exister un personnage ; tout en investissant les méthodes, l’énergie, la spontanéité du conte porté à l’oralité.
On pourrait passer des heures à évoquer un rapport à l’altérité d’une intelligence incroyable, digne de la plus grande anthropologie, ou l’art de manipuler une philosophie existentialiste sans en avoir l’air, avec légèreté. On pourrait parler d’un travail immense sur le langage, la présence magnifique d’un univers luxuriant, mystique, où chaque mot semble être recréé, trouve une signification profonde, où chaque espèce chaque nom chaque lieu ouvre un territoire neuf et éternel.
On va surtout vous dire de lire ce livre régénérant.
Giuseppe BONAVIRI, La Divine forêt, 2024, La Barque, trad. Uccio Esposito Torrigiani