Monumental et déjà culte Dog Biscuits, écrit et dessiné par l’autrice américaine Alex GRAHAM en plein cœur des années covid-19.
Monumental par son ampleur - 400 pages monochromes au rythme
strict de 6 cases par page - et déjà culte pour la force de son histoire, Dog Biscuits est une longue percée dans le quotidien d’un trio un peu bancal dans
le temps de la pandémie et des confinements ; entre marasmes individuels, foirages relationnels, mouvements sociaux, racisme systémique, violences policières et quête de soi ardue dans une
société ou moralisme, émancipation et injonctions paradoxales tracent une route impossible.
Seattle. 2020. Rosie, la vingtaine, bosse dans la fabrique artisanale de biscuits pour chiens de Gussy, quasi quinquagénaire, célibataire, artiste reconverti, un peu looser, un peu paumé.
À la faveur d’une activité ralentie et de contacts sociaux réduits au minimum, les deux tombent mutuellement amoureux sans trop se le dire. D’un bout à l’autre de leurs existences, c’est bien le merdier. Au milieu : un fossé intergénérationnel immense, des histoires personnelles agissant comme des fers rouges sur leurs affects et leur conscience, et puis un coloc - Hissy - hyper sexy habitué de la jetset qui se la joue alternatif, s’oppose aux flics et branche Rosie sans discontinuer.
Vivant, bourré de nuances, spontané, trash et tendre dans le même temps, « Dog Biscuits » happe sans prévenir et nous embarque instantanément aux côtés d’individus pleinement contemporains, habité·es par leurs doutes, leurs angoisses, leurs désirs et leurs erreurs.
Bien loin d’une pensée binaire, Alex GRAHAM écrit un récit qui fait la part belle à notre complexité, dessine une société où les rapports sociaux réduits à peau de chagrin vrillent une fois sur trois, désaxés par la solitude, des attentes démesurées et la violence de l’État.
Avec son dessin épais crashé sur la feuille dont on devine les liens à une culture underground du fanzinat et de la bd alternative, l’autrice nous régale de ces gueules animalo-humanoïdes un peu foutraques, de ces regards où l’apathie, l’excitation, la défonce, l’amour et la peur débordent. Et de ces pantomimes exsude la solitude de toute une société.
Alex GRAHAM, Dog Biscuits, 2024, Presque Lune, Trad. J-B Bernet