Le sommeil, cet événement quotidien si doux, si mystérieux, impossible à saisir, après lequel parfois l'on court éperdument ou qui nous rattrape sans prévenir. Imaginez qu'on le personnifie, qu'on en fasse un petit être aux contours sombres qui se penche sur nos épaules chaque jour pour fermer nos paupières, mais que lui-même ne sache pas dormir.
Commencerait alors une longue quête, celle du Sommeil qui cherche le sommeil, étendu dans les nuées, sur un lit de satin, au sommet d'une montgolfière ou au milieu d'une assemblée de poussins. Malgré tout, le sommeil se ferait désirer, absence lourde à porter surtout lorsque tout le monde autour dort à poings fermés. Mais le sommeil est tapi dans les recoins les plus inattendus, il peut même se dissimuler dans le ronron d'un chat...
Saehan PARC , après son inaugural Papa Ballon, livre un album jeunesse d'une maturité ahurissante. Exploitant le format à l'italienne pour ce qu'il offre d'étendue horizontale, de possibilités de coucher le paysage autant que son père Sommeil, l'autrice-dessinatrice instaure un temps étiré au maximum. Chaque image devient un événement, déployé savamment, par la grâce de couleurs passées dans le feu crépusculaire et étalées en longues bandes horizontales, au gré de l'usage du normographe comme d'un jeu stable et apaisé, disposant ellipses plus ou moins ventrues en farandoles de symboles.
Les mots eux, choisis avec délicatesse et précision, tout occupés à leur retenue, libèrent un ultime sentiment : celui de contempler un univers qui trouve son équilibre, et peut enfin, dans la félicité, tout doucement, s'endormir.
Ce livre est un cadeau merveilleux. Digne des plus grands, Kota Taniuchi en tête.
Saehan PARC, Coucou Sommeil, 2024, éditions 2024