Sublime texte libyen aux accents philosophiques, baigné dans les paysages désertiques accompagnés de leur immensité tragique, Le Saignement de la pierre est un récit d'une densité et d'une poésie phénoménales.
Ibrahim AL-KONI livre une œuvre où la beauté du monde irradie de toute part, mais toujours tranchée, violentée par la férocité des hommes, par leurs désirs sourds, leur voracité insatiable.
C'est le récit d'une rencontre, celle d'un ermite retranché aux confins du désert montagneux, à l'endroit où celui-ci s'oppose au désert de sable, avec deux hommes avides de sang venus pour chasser le dernier mouflon. C'est l'histoire d'une confrontation entre deux façons d'être au monde, l'une cherchant une voie solitaire et pacifique pour adhérer avec Amour à l'univers, l'autre maudite, violente et guerrière courant après l'accaparement et la destruction pour combler un vide insondable.
Un texte concis et pourtant capable de dilater le temps par l'étirement de sa trame principale en l'entrecoupant de longs flashbacks qui retracent les trajectoires respectives des personnages.
Jamais on n'avait lu descriptions aussi magnifiques et pleines de sensations du désert, de sa silhouette, de son âme autant que de ce qui le peuple, rarement on a été aussi secoué par des œuvres qui savent aussi bien dire que Le Saignement de la pierre la tragédie que l'être humain se construit en permanence à vouloir tuer le monde sans comprendre qu'il est en son cœur.
Ibrahim AL-KONI, Le Saignement de la pierre, 2024, Cambourakis, trad. Bataillon et François Zabbal