Attention furie graphique en provenance directe du Japon : ce recueil de dessins de l'artiste Daisuke TAJIMA, humblement intitulé Beyond the lines est un concentré obsessionnel de lignes architecturées.
TAJIMA crée des agglomérats de bâtiments aux proportions dantesques, où le tracé rigoureux, millimétré, industrieux, répété avec acharnement pour dire le moindre détail de la superstructure écrasante, porte des lignes de fuite qui se transforment en points de chute ou chemins de perdition.
Car au cœur de ces visions cauchemardesques de béton accumulé, mégalopoles insensées surmontées d'étranges aménagements techniques, le regard, vacillant entre nausées et émerveillement, se trouve systématiquement écrasé, perdu sous le poids d'un monstre hybride fait de verre, d'acier, de câbles et de béton armé.
Chez TAJIMA la silhouette humaine disparaît totalement au profit des lignes sévères auxquelles l'Homme s'est associé, mais les dieux, eux, sous la forme de corps de dragon et de flammes monstrueuses, semblent encore apposer leur joug, choisir du destin de ces lieux infernaux.
Au-delà des lignes et des perspectives sidérantes déployées, il y a la puissance de la vision, concentrée en un faisceau qui ne laisse place qu'à la rigueur, à la précision, à la répétition ; le dessinateur comme une machine en roue libre, en prise avec des desseins supérieurs effrayants impossibles à comprendre.
Chaos organisé, infini à portée de regard, mégamachines et tours univers édifiant un monde tourné vers une éternité qui nous échappe, le travail de Daisuke Tajima est un cosmos hypnotique dont la densité et la complexité de la structure confinent, au choix, à l'adoration ou la folie.
Daisuke TAJIMA, Beyond the lines, 2022, Seigensha