SO LONG WIZZARD LYNCH !

 

Une fois n'est pas coutume, on sort du monde du livre un instant, le temps de rendre hommage à David Lynch, mort ce jeudi 16 janvier 2025.

 

Un des rares artistes célèbres, peut-être le seul grand cinéaste à n'avoir jamais fait de compromissions (enfin si, une fois pour Dune à son grand regret, et depuis il semblait en avoir été vacciné), à avoir tout mis en travail pour déployer sa vision, sans la délayer ni la perdre. Patiemment il a creusé un tunnel dans la masse indistincte de l'univers. Ce tunnel aux contours étranges était en fait un terrier (la référence à Kafka est ici tout sauf innocente), dans lequel il nous a convié. Et qui a largement contribué à modifier, enrichir nos perceptions, notre regard, tant sur l'art que sur ces surfaces habitées par la vie qui nous entourent. On y a découvert un monde qui n'ira pas plus loin sans lui. Un monde où les choses vibrent et sonnent étrangement, entendues depuis leur envers.

 

Le rêve et l'électricité ont traversé son œuvre, ainsi que l'espace et l'atome, ferments et catalyseurs d'une société industrielle entièrement vouée à son propre spectacle fantoche qu'elle ne cesse de remettre en scène, à grands coups de projecteurs, d'ondes et d'émissions. Au centre du magma : la duplicité du monde, toute chose renvoyant par sa présence à un écho tordu, à un doppelgänger ténébreux, à un Mal omniprésent qui guette.

Il nous rappelait que nous vivons sur un plan traversé par d'autres, que nous naviguons en aveugle dans une nuit magnifiquement noire. Il nous aura appris à aimer nos cauchemars, à chérir le mystère qu'ils recèlent. À préférer les questions aux réponses.

 

On lui doit certainement, si ce n'est une vocation, au moins de nous avoir mis sur la voie de pratiques artistiques uniquement occupées à trouver le geste qui va avec la vision, et à piocher sec dans la matière. On lui doit de nous avoir conforté dans la nécessité de l'intransigeance, de ne jamais céder aux compromissions, tout en restant absolument ouvert à la différence, à l'étrangeté qui ne serait pas initialement la nôtre, et à savoir avancer avec son temps et ses outils.

 

On vous laisse avec cette image tirée de son dernier long métrage, Inland Empire, sorti en 2006, démonstration absolue d'une ligne tenue jusqu'au bout des ongles.

 

So long Wizzard Lynch !